LE MEZZE TRADITIONNEL LIBANAIS



Si le terroir libanais demeure intact, c'est grâce aux libanais expatriés ou résidents dans leur pays, qui continuent d'apprécier leur cuisine par dessus tout. « La variété des ingrédients et la finesse extrême sont les atouts de cette cuisine qui plait aussi bien aux végétariens qu'aux amateurs de viande.  Le mezzé offre une multitude de plats crus et cuits avec un large éventail de légumes et de céréales. De nombreux plats sont adaptés aux saisons, comme tout ce qui est à base de yaourt l'été et d'awarma l'hiver. L'hospitalité libanaise joue un rôle essentiel dans le maintien de cette tradition. Le Liban, situé au carrefour de plusieurs pays et cultures, s'est enrichi des cuisines environnantes tout en les personnalisant et en créant une saveur subtile. La réputation de la cuisine libanaise n'est plus à faire. Les gastronomes affluent de partout, attirés par ce goût libanais qui ne se retrouve pas ailleurs. Deux régions se distinguent dans la diffusion et le développement du mezzé : Zahlé et Ehden. L'émulation mezzatique incitait chaque fin de semaine des dizaines de gourmets à affluer vers le fleuve du Berdawni, devenu au fil des ans le lieu incontournable de la dégustation du mezzé, les raviers issus du terroir gastronomique libanais.

Le mot arabe « maza » vient de persan « maza » (saveur). Il désigne une série de raviers servie en guise d'entrée, d'apéritif ou d'amuse-bouche. Pour accompagner ces plats, on servait le « lait des lionnes» baptisé arak zahliote. Issu du raisin, l'arak opalin fit la renommée de Zahlé. Le mezzé contribue au mythe de la générosité et de l'hospitalité libanaises qui se déclinent sous forme d'un nombre incalculable de plats chauds et froids, de crudités et de légumes cuisinés, de plats végétariens ou pas. Le mezzé se développe au XXème siècle dans les montagnes et les différentes régions en incluant les spécialités locales. L'huile d'olive est un ingrédient majeur. D'aucuns lui attribuent des vertus de longévité.  L'ail est l'autre allié du mezzé. Un mezzé peut réunir plus d'une cinquantaine de plats chauds et froids, le hommos, le mtabbal batenjen, les feuilles de vignes farcies, les kebbés, les makaneks (petites saucisses arméniennes), des fromage frais, etc... Les deux incontournables restent sans nul doute la taboulé et la kebbé krass (boulettes de viande et bourgoul farcies d'oignon et de pignon de pin). 


LE BAKLAVA LIBANAIS



Les origines du baklava sont assez méconnues. Selon les sources, elles se situeraient en soit en Asie centrale, soit dans la Grèce antique, ou bien encore en Syrie. Il semble que c'est durant l'Epoque Byzantine que son commerce et sa recette se répandirent. Les couches de pâte qui le forment sont traditionnellement au nombre de 33 en référence aux années de vie du Christ.  Le baklava serait une fusion culinaire entre les préparations feuilletées centrasiatiques turques et les farces persanes à base de fruits secs (noix, noisette, cacahuète) cuits. Ces gâteaux sont à base de pâte feuilletée farcie de noisettes, amandes, pistaches ou noix de cajou grillées à sec puis moulues. Dès la sortie du four, ils sont arrosés d’un sirop parfumé à l’eau de rose et à l'eau de fleur d’oranger. Il en existe plusieurs formes aux noms évocateurs en arabe: 'Mange et remercie' (Kol w'chkor), 'Les doigts de Zaïnab' (Assabih Zaïnab), 'Petits Nids' (Boaj) ou encore 'Borma'. Sa forme actuelle aurait été fixée dans les cuisines du palais de Topkapi à Istanbul. Le berceau du baklava se situerait à Gaziantep, selon la croyance populaire turque. La ville est une des capitales gastronomiques de la Turquie. Le gâteau est élevé au rang de symbole de la cité et il représente même l’un des moteurs de l’économie de la ville. Au centre de Gaziantep les pâtisseries se comptent par dizaines et chaque année, des tonnes du précieux dessert sont expédiées aux quatre coins du pays. Le baklava produit à Gaziantep a deux particularités : d’abord il utilise un produit typique de la région, la pistache, dont la qualité déjà célèbre à la fin de l’époque ottomane a fait un produit exporté dans le monde entier. L’un des pères de la pâtisserie de Gaziantep, Gullu Celebi avait commencé à produire de la baklava dans sa pâtisserie à la fin du XIXème siècle, après en avoir connu les secrets dans une autre ville, Alep, alors sous occupation ottomane. La préparation d’un dessert similaire serait caractéristique des populations nomades turques ; elle vient de l’impossibilité de cuire la pâte dans un four traditionnel, ce qui oblige à le faire sur une plaque plate ou légèrement convexe. L’utilisation de feuilles fines, yufka ou katmer en turc, a toujours occupé une place centrale dans la préparation de desserts ou de salades dans la cuisine non seulement de Turquie, mais aussi de tout le monde turcophone, de l’Ouzbekistan à l’Azerbaïjan, chez les Tartares des steppes russes et parmi les Turcs Ouïgours du Sin-Kiang chinois.  

Dans l’attente de preuves définitives, qui ne viendront peut-être jamais, il serait sans doute plus sensé de voir dans le baklava une preuve concrète de la superposition des cultures et des civilisations qui se sont succédé dans la région du Moyen Orient et de l’Anatolie, tellement il est vrai que l’archéologie montre des preuves de l’existence d’un dessert semblable au copte byzantin dès l’époque assyrienne. La polémique de la paternité du baklava persistera entre la Grèce, la Turquie, la Syrie ou le Liban. Toutefois, le baklava n’est pas réalisé de la même façon dans ces pays.  Au Liban, c’est la ville de Tripoli qui se targue d’être le berceau du baklava libanais et des pâtisseries connues internationalement comme Hallab sortent chaque jour de leur usine pas moins de 20 tonnes de pâtisseries, principalement des baklavas. Les baklavas libanais ou tripolitains étant d’un raffinement défiant toute concurrence. Légers et croustillants, ils sont confectionnés par des maîtres-pâtissiers qui accusent chacun au moins 30 ans au service du baklava. Plus subtils que leurs cousins turcs ou grecs, les baklavas tripolitains sont moins gras et plus onctueux.


LE CAFE LIBANAIS (AHWE)



Un café ? Ahwé ?

Toutes les occasions sont bonnes au Liban pour partager un café. Pas une négociation commerciale, pas une annonce heureuse, pas une discussion qui ne se fasse autour d'un café. La dénomination "café turc" date de l'empire ottoman. Du matin au soir, et où que l'on soit, une tasse de café est toujours prête à être servie. Traditionnellement, il doit être servi dans une petite tasse à café ronde (sans anse), surnommée "fenjen badawi". Le café doit être bouilli au moins 3 fois dans une "rakwé". Après avoir été bu, il reste au fond de la tasse du marc de café. La tasse est alors renversée, et une diseuse de bonne aventure pourra lire l'avenir dans les traces laissées par celui-ci sur les parois de la tasse. Vous avez le choix entre le café avec ou sans cardamome. Il peut être servi (sucré), wassat (peu de sucre) ou mourr (sans sucre).

 

L'HISTOIRE DU CAFÉ ARABE 

Originaire d’Ethiopie ou Abyssinie, le café est transplanté au XIVème siècle dans la région de Moka, au Yémen.  Les personnes qui ont introduit cette boisson dans les pays arabes le nomment, kahwa, qui signifie vin en vieil arabe. Au début de son introduction, il est victime d’interdits à La Mecque. Ses vertus excitantes voire stupéfiantes emmènent les théologiens à le considérer comme un breuvage maléfique. Mais le café est vite adopté et devient un élément incontournable du mode de vie arabe et de leur convivialité. En 1450, il est largement consommé en Aden, puis gagne La Mecque où les cafés commencent à proliférer. Du Yémen, cette boisson est arrivée sans doute autour de 1475 à la Mecque et à Médine, les lieux saints de l’Islam. Malheureusement, il y est proscrit en 1511 puis en 1524. À la fin du XVème siècle, le café apparaît au Caire chez les étudiants yéménites de l’université al-Azhar, et plus tard au sein d’autres communautés.

 

LE SAVIEZ-VOUS?

Arthur Rimbaud, le poète français originaire de Charleville entame ses pérégrinations en mer d’Oman qui le mènent au Yémen où il devient négociant de café. L’exportation de café connaissait un commerce florissant grâce au port de transit de Moka en pleine heure de gloire dans les années 1880. Rimbaud travaille quelques temps comme surveillant du tri de café. Le café était une marchandise tout autant que les épices et les porcelaines, venant de l’Inde et de l’Extrême-Orient et destinées à la Méditerranée via le Caire et Alexandrie. En 1555, à Istanbul, il acquiert sa première appellation toujours à l’honneur de café turc. À base de grains torréfiés “moulus turc” ou “moulus farine”, il est préparé dans des cafetières en cuivre à long manche, à large base et à col étroit. Il se répand dans tout l’Empire ottoman puis progressivement dans le monde musulman. Tous les pays sous le joug ottoman entre 1516 et 1919 consomment le café. Cette conquête contribua à la diffusion du café. Soliman le Magnifique était un buveur de café. Dès 1530, des échoppes vendant du café ouvrirent leurs portes au Caire, Damas, Alep et Istanbul. Le café devient aussi un lieu où se réunissent généralement des hommes pour passer des heures à discuter en fumant le narguilé ou jouer aux cartes. La consommation du café turc donne lieu à un rituel. On le déguste lentement et on lit l’avenir dans le marc déposé au fond des petites tasses.